Honte au vain philosophe / Victor Hugo
Honte au vain philosophe, à l’artiste inutile
Qui ne met pas son sang et son coeur dans son style !
Honte au sophiste assis sur le seuil des vertus
Qui commente Platon sans méditer Brutus !
Honte à ceux qui, bruyants, adorent la patrie,
En font une publique et chaude idolâterie,
Et qui, quand l’heure vient du gouffre et du péril,
Ne l’aiment pas jusqu’à lui préférer l’exil !
Honte au tribun qui crie au peuple de le suivre,
Et qui se sent à l’âme un lâche amour de vivre !
Honte au rhéteur qui dit : Progrès, humanité,
Avenir ! sans vouloir le calvaire à côté !
Ils peuvent un moment charmer Athène ou Rome.
Tromper Sparte ; l’antique honnêteté de l’homme,
Qui marchande la gloire aux lutteurs peu meurtris,
Gronde et n’est pas leur dupe, et montre leurs écrits
Cloués sur son comptoir comme fausse monnaie ;
Et ce vieux peseur d’or, le temps, qui juge et paie,
Qui dit à l’un : toujours ! qui dit à l’autre : assez !
Refuse à son guichet leurs noms vertdegrisés