Notre alimentation nous déprime

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Notre alimentation nous déprime

Je me souviens parfaitement de mon cours de nutrition à la faculté de médecine. Il se résumait en quatre points : -Les personnes en surpoids devraient consommer moins de calories. -Les malades cardiaques,moins de cholestérol. – Les diabétiques, moins de sucre. Et les hypertendus,moins de sel. Fin de mon cours de nutrition. Quand j’ai ensuite fait ma spécialisation en neuropsychiatrie,c’était encore plus simple : pas un mot sur la relation entre alimentation et risque de maladies mentales, surtout pas en ce qui concerne la dépression. J’ai mis vingt ans à réaliser qu’un médecin comme moi en savait infiniment moins sur le lien entre aliments et santé qu’un lecteur de Psychologies ! Et pourtant, dans ma pratique,j’ai souvent rencontré des patients comme Brendon, un fonctionnaire anglais d’une cinquantaine d’années. Brendon souffrait depuis l’enfance de fatigue,de difficultés de concentration, de manque d’énergie,de motivation pour travailler.Il ne s’était jamais ”complètement opérationnel” ni ”commeles autres”. Il vivait depuis longtemps avec le diagnostic de ”dépression chronique résistante aux médicaments”. Un jour, un médecin _ mieux informé que je ne l’ai longtemps été _ lui a posé des questions sur son alimentation. Comme presque tous les Anglais, il mangeait surtout de la viande,de la charcuterie,des fritures, du pain blanc, des viennoiseries,des sauces et des laitages, et il était attaché à ses desserts et autres sucreries. Progressivement,son médecin l’a convaincu de passer à une alimentation méditerranéenne : beaucoup de légumes et de fruits , moins de viande, davantage de poisson, infiniment moins de produits sucrés,etc. Et,un matin , Brendon s’est réveillé comme s’il vivait le premier jour du printemps : le brouillard dans sa tête s’était évaporé , la fatigue avait disparu , il sentait une légèreté dans son corps qu’il n’avait jamais conne et qui pourtant lui semblait totalement naturelle. Je ne vous raconterais pas cette histoire s’il ne s’agissait que d’un cas , ni même le dix. Mais une étude vient de confirmer le lien entre le régime alimentaire ”occidental” habituel et la dépression. Des chercheurs de l’Inserm, en France, en collaboration avec le département de santé publique de l’University College de Londres, ont démontré que les personnes dont l’alimentation est la plus ”occidentalisée” pendant au moins cinq années ont près de 60% de risques en plus de devenir déprimées. Cela s’explique probablement par le fait que le sucre,les farines blanches et les graisses animales augmentent les processus inflammatoires dans le corps et le cerveau, dont les molécules agissent sur nos neurones, nos pensées, et nos humeurs. Ce qui est fascinant , au fond, ce n’est pas que l’alimentation puisse avoir un effet si puissant sur le corps et sur l’esprit,mais plutôt  qu’il ait fallu attendre la fin 2009 pour qu’une telle étude soit publiée dans un grand journal médical international. Il y’a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les cours de nutrition dignes de ce nom fassent partie de la formation de médecins.

  DAVID SERVAN-SCHREIBER

Mars, 2010.

Extrait du livre -”Notre corps aime la vérité”

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